Sur la route du Tour de France, le Luxembourg : un petit pays aux grands coureurs
Dès 1974, le grand-duché a accueilli une étape du Tour de France qui y prit son départ de Luxembourg en 1989 (prologue et deux étapes) et en 2002 (prologue et une étape). En 2017, Mondorf les Bains est la ville départ de la 4e étape. Le Luxembourg a compté 7 villes arrivée et 11 villes départ. Surtout, le grand-duché compte 4 vainqueurs et 5 victoires au Tour de France.
Né en France, “le géant de Colombes”, François Faber (1887-1915) fut le premier d’entre eux pédalant sur Alcyon. Coureur talentueux vainqueur de Paris-Roubaix, du Tour de Lombardie et de Paris-Tours, il est, après une seconde place en 1908, le premier coureur étranger à s’imposer en 1909. Notre “grand diable de coureur” décrochera encore la seconde place en 1910, remportant un nombre impressionnant d’étapes du tour : 19 !!
Hélas, la Grande guerre ravira notre “fervent Luxembourgeois” engagé dans la Légion étrangère. Le caporal Faber fut tué à l’ennemi dans l’Artois en mai 1915. Mort pour la France, le coureur “sans peur et sans pitié” rejoint les Lapize, Petit-Breton, Garrigou et autre Trousselier.
Jean-Louis Ézine évoque sa mémoire dans Un ténébreux paru en 2003.
L’histoire sportive mentionne la pertinence d’Alphonse Steinès, premier journaliste sportif luxembourgeois, qui a convaincu le directeur de l’Auto, Henri Desgrange, de faire passer le Tour en haute montagne en 1910.
Prestigieux successeur, Nicolas Frantz (1899-1985) finit deux fois second (en 1924 à sa première participation et en 1926) et remporta le Tour “de Franz” de 1927 et 1928.
Coureur régulier, robuste, méticuleux, il remporta 20 étapes. Le “gars du Luxembourg” excellait dans les contre-la-montre.
Fait rarissime, il remporta le Tour 1928 en portant le maillot jaune de la première à la dernière étape.
Ayant cassé le cadre de son vélo lors de la 19e étape, il parcourut 100 kilomètres sur un vélo de femme trouvé au bord de la route mais perdit 28 minutes dans l’affaire pour rallier Charleville, ville-étape du jour.
Me Henri Desgrange souligne d’ailleurs le tempérament optimiste et la bonne humeur qui ne quittaient jamais les Luxembourgeois, tant Faber que Frantz, même dans les Tours “épouvantablement durs”.
Le décès de l’avocat champion journaliste fondateur du Tour et l’Occupation ont raison de la grande boucle qui ne reprend qu’en 1947.
Dans l’immédiate après-guerre, les équipes étaient binationales, le Luxembourg était associé à la Hollande, culture Nassau aidante. Le grand-duché alignait d’excellents coureurs aux noms aujourd’hui oubliés : Victor Kirchen (1898-1970), Joseph Bintener (1917-1998), les frères Pierre (1913-1963) et Mathias Clemens (1915-2001). Ce dernier fit une belle carrière sur piste en demi-fond derrière moto et était accessoirement député à la Chambre. Sur piste encore, Lucien Gillen (1928-2010) remporta de nombreux titres en poursuite.
Autre légende, Charly Gaul (1932-2005) “l’Ange de la montagne” pur grimpeur célèbre pour sa capacité à creuser des écarts incroyables en profitant des conditions météorologiques.
Ainsi, lors de l’étape reliant Briançon à Aix-les-Bains du 16 juillet 1958, disputée sous une pluie diluvienne et glacée, Charly Gaul distança le leader Raphaël Geminiani de 12 minutes, Louison Bobet de 19 minutes et Jacques Anquetil de 23 minutes.
Alors qu’à l’été 1958 naît en France la Ve République, le Luxembourgeois remporte le Tour “de Gaul” et finit troisième de ceux de 1955 et 1961. Charly Gaul s’imposa aussi aux Giro de 1956 et 1959.
Roland Barthes trouvait que Gaul “participe de l’avion ou de l’oiseau”. Et Jean Portante d’évoquer l’arrivée du Tour 1958 au café Dipp de Differdange faisant entrer Gaul dans la légende sportive luxembourgeoise avec Josy Barthel, qui fut lui médaillé d’or pour son 1500m aux jeux olympiques d’Helsinki de 1952.
La cyclo-sportive La Charly Gaul est organisée chaque été au Luxembourg en sa mémoire comme La Leggendaria Charly Gaul en Italie.
De nos jours, les frères Schleck perpétuent la tradition cycliste du grand-duché : Andy s’imposa en 2010, finissant second en 2009 et 2011, année où son frère Fränk décrochait la 3e place.