La nouvelle Constitution du 1er juillet 2023
En 2023 est célébré le 175e anniversaire de la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg, qui a été modifiée à plusieurs reprises depuis 1945. Les plus importantes modifications ont été la suppression de la neutralité perpétuelle du Grand-Duché (1948), l’abolition de la peine de mort (1999), la réforme des dispositions de la nationalité luxembourgeoise (2008) et la suppression de la prérogative du Grand-Duc de sanctionner les lois (2009).
C’est le refus du Grand-Duc de ratifier la loi sur l’euthanasie qui a fait naître le désir de remodifier la Constitution. Adoptée définitivement en décembre 2022, la nouvelle Constitution est entrée en vigueur le 1er juillet 2023, plus de 14 ans après la première proposition de révision. Le point relatif à l’euthanasie a été changé, mais il a été décidé de procéder à une révision totale de notre Constitution.
La nouvelle Constitution luxembourgeoise rassemble les quatre chapitres révisés en un texte de 132 articles, dont les principales nouveautés sont :
- proposition de loi des citoyens
- la langue luxembourgeoise, le drapeau tricolore, les armoiries de l’État et l’hymne national
- inviolabilité de la dignité humaine
- droit au logement
- droit au travail
- sauvegarde de la biodiversité
- la protection du patrimoine culturel
- le bien-être animal
- l’intérêt de l’enfant, le droit de fonder une famille, la protection des données à caractère personnel
- rôle et fonctions du Grand-Duc
- renforcement des pouvoirs de la Chambre
- accès facilité des députés au droit d’enquête
- création du Conseil national de la justice
Vous découvrirez, ci-dessous, les points importants de cette nouvelle Constitution, qui débute en affirmant, en son article premier que « Le Grand-Duché de Luxembourg est un État démocratique, libre, indépendant et indivisible ». Dans l’ancienne version le mot « démocratique » n’était pas présent et a été ajouté.
Les propositions de loi des citoyens Les citoyens pourront transmettre des propositions de loi à la Chambre des députés. Cette idée date du programme du gouvernement de 1999 mais, faute de base constitutionnelle, le Conseil d’État s’y était opposé. Ainsi, une Proposition Motivée aux fins de Légiférer (PML étant le sigle officiel de ces propositions de lois) pourra être introduite par au moins 125 électeurs de nationalité luxembourgeoise, le vote aux législatives n’étant ouvert qu’à eux. Si la PML est soutenue par au moins 12.500 électeurs, les députés devront alors se prononcer en séance publique sur le sujet. La place des langues La précédente Constitution se bornait à dire que « la loi règle l’utilisation des langues », la loi de 1984 précise que «la langue nationale des Luxembourgeois est le luxembourgeois», tout en précisant que les lois et règlements d’exécution sont rédigés en français et que dans l’administration de la justice on peut utiliser le français, l’allemand ou le luxembourgeois. La nouvelle Constitution apporte une précision importante : le luxembourgeois n’est plus seulement la langue des Luxembourgeois, mais devient «la langue du Grand-Duché de Luxembourg». Pour le reste «la loi règle l’emploi des langues luxembourgeoise, française et allemande». Il est également précisé que l’emblème national est le drapeau rouge/blanc/bleu et que l’hymne national est «Ons Heemecht». Inscription des droits dans la Constitution Désormais, plusieurs droits sont inscrits dans la Constitution. La dignité humaine est inviolable : ce droit est gravé dans le texte, tout comme le droit au logement. En son article 40, la nouvelle Constitution pose que «l’État veille à ce que toute personne puisse vivre dignement et disposer d’un logement approprié». En outre, l’intérêt de l’enfant, le droit pour chacun de fonder une famille, la protection des données à caractère personnel sont aussi introduits dans la nouvelle Constitution. Sont également inscrits dans le texte le droit au travail, la sauvegarde de la biodiversité, la protection du patrimoine culturel. Ce texte reconnaît aussi les animaux comme des êtres vivants, dotés de sensibilité et, donc, «l’État veille à protéger leur bien-être». C’est une grande évolution car l’animal n’est, de fait, plus considéré juridiquement comme un bien meuble. Le Grand-Duc Cet article 44 dispose que «le Grand-Duc est le chef de l’État. Il représente l’État. Il est le symbole de l’unité et de l’indépendance nationales». La Constitution de 1868 désignait le Chef de l’État sous le titre de «Roi Grand-Duc». En effet, le Roi Guillaume III des Pays-Bas était également Grand-Duc de Luxembourg. Dans la Constitution de 2023 ce titre a été simplifié au terme «Grand-Duc». Le souverain prend les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois mais «les dispositions du Grand-Duc doivent être contresignées par un membre du gouvernement qui en assume la responsabilité». Des titres, pas de privilèges La nouvelle Constitution règle dans le détail l’accession à la fonction de Grand-Duc, l’abdication et la régence, faisant disparaître toute référence au « Pacte de la famille de Nassau », qui gérait la régence jusqu’alors. Ainsi, la fonction de Grand-Duc reste héréditaire dans la descendance directe de SAR Adolphe, Grand-Duc de Luxembourg, Duc de Nassau et l’aîné des enfants du chef de l’État le deviendra à son tour, qu’il soit homme ou femme. Seule subsiste la primogéniture, la primogéniture masculine ayant été abolie. Toutefois, «seuls les enfants nés d’un mariage ont le droit de succéder». Quand un Grand-Duc/Grande-Duchesse décède et abdique (par écrit et de manière irrévocable), son héritier/héritière doit prêter serment dans les 10 jours. En l’absence d’héritier, c’est la Chambre qui décidera du nouveau chef de l’État. C’est aussi la Chambre qui décidera de la régence, si l’hériter est mineur au moment de son accession au trône. Enfin, «Le Grand-Duc a le droit de conférer des titres de noblesse aux membres de la famille grand-ducale, sans pouvoir jamais y attacher de privilège». Séparation de l’Eglise et de l’État Cette séparation, déjà appliquée depuis quelques années, est désormais inscrite dans l’article 120 de la Constitution. «Les Eglises et les communautés religieuses sont séparées de l’État» et les relations entre religions et Etat sont réglées par la loi. Les députés peuvent toutefois décider de conventions entre l’État et les différentes communautés religieuses. Le Premier ministre Le chef du gouvernement n’était pas évoqué dans l’ancienne constitution. La nouvelle indique que «le Premier ministre coordonne l’action du gouvernement et veille au maintien de l’unité de l’action gouvernementale», mais aussi qu’il «engage la responsabilité du nouveau gouvernement à l’occasion de la présentation du programme gouvernemental devant la Chambre des députés». Quant au gouvernement, il «dirige la politique générale de l’État» et «se compose d’un Premier ministre, d’un ou plusieurs vice-Premiers ministres, de ministres et, le cas échéant, d’un ou de plusieurs ministres délégués et secrétaires d’État», tout le monde étant nommé et démis par le Grand-Duc. L’ancienne Constitution disposait simplement que «le Roi Grand-Duc règle l’organisation de son gouvernement, lequel est composé de trois membres au moins». La Chambre des députés renforcée Le Luxembourg, démocratie parlementaire, sera doté d’une Chambre des députés renforcée. Ainsi, le Parlement peut désormais déposer une motion de censure contre le gouvernement. Le Premier ministre peut également engager la responsabilité de son gouvernement devant la Chambre lors du vote d’un projet de loi ou d’une déclaration gouvernementale. Si les députés lui refusent la confiance, le gouvernement doit démissionner. De plus, le droit d’enquête des députés est facilité. Alors qu’il fallait, jusqu’à présent, 31 députés pour ouvrir une commission d’enquête, dorénavant il ne faudra plus qu’un tiers de la Chambre, soit 20 élus. La Chambre conserve ses 60 députés (élus pour 5 ans au suffrage universel direct à la proportionnelle, avec quatre circonscriptions : Nord, Sud, Centre et Est). Les élus ne jureront plus fidélité au Grand-Duc mais feront le serment «d’observer la Constitution et les lois et de remplir fidèlement leurs attributions constitutionnelles». Le Conseil national de la justice La nouvelle Constitution crée un nouvel organe : le Conseil national de la justice. Sa mission consiste à veiller au bon fonctionnement de la justice, et ce, dans le respect de son indépendance. Il sera composé en majorité de magistrats. |
Vous pouvez découvrir la nouvelle Constitution, dans son intégralité, en suivant ce lien.